Le portrait de Julien Sorel | Lecture linéaire
Le texte qui vous est proposé est l’un des passages les plus connus du roman Le Rouge et le Noir de Stendhal. Il s’agit de la première apparition de Julien dans le roman. Cette lecture linéaire s’inspire largement de celle proposée par Armelle Vioux.
Les Confessions est un ouvrage autobiographique de Jean-Jacques Rousseau.
La seule Mlle Pontal perdit un petit ruban couleur de rose et argent, déjà vieux. Beaucoup d’autres meilleures choses étaient à ma portée ; ce ruban seul me tenta, je le volai, et comme je ne le cachais guère, on me le trouva bientôt. On voulut savoir où je l’avais pris. Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. Marion était une jeune Mauriennoise dont Mme de Vercellis avait fait sa cuisinière, quand, cessant de donner à manger, elle avait renvoyé la sienne, ayant plus besoin de bons bouillons que de ragoûts fins. Non seulement Marion était jolie, mais elle avait une fraîcheur de coloris qu’on ne trouve que dans les montagnes, et surtout un air de modestie et de douceur qui faisait qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer ; d’ailleurs bonne fille, sage et d’une fidélité à toute épreuve. C’est ce qui surprit quand je la nommai. L’on n’avait guère moins de confiance en moi qu’en elle, et l’on jugea qu’il importait de vérifier lequel était le fripon des deux On la fit venir ; l’assemblée était nombreuse, le comte de la Roque y était. Elle arrive, on lui montre le ruban, je la charge effrontément ; elle reste interdite, se tait, me jette un regard qui aurait désarmé les démons, et auquel mon barbare cœur résiste. Elle nie enfin avec assurance, mais sans emportement, m’apostrophe, m’exhorte à rentrer en moi-même, à ne pas déshonorer une fille innocente qui ne m’a jamais fait de mal ; et moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu’elle m’a donné le ruban. La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots : » Ah ! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse ; mais je ne voudrais pas être à votre place. » Voilà tout. Elle continua de se défendre avec autant de simplicité que de fermeté, mais sans se permettre jamais contre moi la moindre invective. Cette modération, comparée à mon ton décidé, lui fit tort. Il ne semblait pas naturel de supposer d’un côté une audace aussi diabolique, et de l’autre une aussi angélique douceur. On ne parut pas se décider absolument, mais les préjugés étaient pour moi. Dans le tracas où l’on était, on ne se donna pas le temps d’approfondir la chose ; et le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux, se contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l’innocent. Sa prédiction n’a pas été vaine ; elle ne cesse pas un seul jour de s’accomplir.
Questions
1. Quelles indications vous montrent que l’objet volé n’a pas beaucoup d’importance ?
2. Rousseau sait-il bien mentir ?
3. “Cessant de donner à manger” (ligne 6) : comment comprenez-vous cette phrase ?
4. Est-ce que la physionomie de Marion s’apparente à celle d’une personne mal intentionnée ?
5. Pourquoi Rousseau et Marion sont-ils convoqués par les héritiers de Madame de Vercellis ?
6. Quel verbe est synonyme du verbe accuser dans le deuxième paragraphe ?
7. Dans le deuxième paragraphe, trouvez deux adjectifs qui montrent que Rousseau a une très mauvaise opinion de lui-même ?
8. A votre avis, pourquoi Marion ne veut pas être à la place de Rousseau (ligne 21) ?
9. Qu’est-ce qui amoindrit la défense de Marion ?
10. Pourquoi n’arrive-t-on pas à croire que Marion est innocente et Rousseau coupable ?
11. Trouvez deux raisons expliquant la décision finale.
12. Comment Marion va-t-elle être vengée ?